CHALANDREY Isigny le Buat

Publié par Georges DODEMAN

CHALANDREY Isigny le Buat

Bordée à l’Ouest par le ruisseau de Pierrezaubes qui séparait sous l’Ancien Régime l’Avranchin du Mortainais, l’origine étymologique du nom de la paroisse demeure incertain. On a parlé de « Chatel-André », ou de « Calendra » de « tour » en latin, mais il faut plutôt le rapprocher de la notion de « challenge » (Chalandrieu, Chalandré, en 1598) ou de terre disputée ou contestée du fait qu’elle est contiguë de « Les Chéris »  située dans le canton de Ducey voisin dont l’origine est là, plus claire : le vieux verbe « escharir » en ancien français voulant dire « partager ».

Il n’est pas toujours aisé de comprendre la situation de ces anciennes paroisses qui ne se rattachaient à rien de ce que nous connaissons aujourd’hui. Chalandrey dépendait pour le religieux du doyenné de Saint-Hilaire et de la sergenterie Corbelin représentant l’administration royale qui sous-traitait ainsi ses prérogatives à des privés pendant tout le Moyen-Âge. Du fait de sa situation un peu excentrée et en bordure de l’Avranchin, sorte de « balcon »sur la Baie du Mont-Saint-Michel, elle fut constamment tiraillée entre ses deux gros fiefs : celui de Chalandrey et de Monchouet.

Le premier fief relevait de la baronnie des Biards (dont on reparle longuement dans la rubrique de cette commune) avec, dès le XIe siècle, un Gautier qui signe la charte de donation de l’église de Vezins à l’abbaye de la Couture près du Mans. Elle est donc aux Avenel qui perdent le fief lors de l’invasion anglaise et le retrouvent en 1458. Cette puissante famille l’occupe encore jusqu’en 1533 où, restée fidèle à la couronne de France triomphante de la Guerre de Cent Ans, elle parvient à réunir, sous le nom de baronnie de Dorières, un important territoire qui va donc de Chalandrey jusqu’à Bois-Guillaume (sur Saint-Aubin-de-Terregatte), Bouffigny, le Haut-Surlair et Dorières (en Saint-Laurent-de-Terregatte).

Dix ans plus tard, en 1542, la seigneurie reprend son autonomie tout en rendant aveu aux barons des Biards car elle commence à s’étendre sur les Chéris et le Mesnil-Thébault. Les Avenel s’y maintiennent jusqu’en 1651 où Laurence épouse un Taillefer ; puis le fief va aux de Bordes, de Marcilly, déjà possesseurs du Plantis en les Chéris. La réunion de l’ensemble est effective en 1725.  Il y a sur ce fief un manoir avec douves et fossés et une chapelle dédiée à la Vierge et à saint Julien.

L’autre fief, celui de Monchouet, était aux de Beaulinges, puis aux Roussel de la Bazoge, enfin aux Payen et aux de Bordes, leurs alliés début XVIIIe siècle ; ces familles, on l’a vu plus haut, étaient voisines.

Les archives relevées par Victor Gastebois, l’historien du Mortainais, nous montrent le 8 octobre 1735 le somptueux mariage de Julien Barbot avec Marguerite Payen, fille de l’écuyer Payen, sieur des Beaulinges. Les jeunes gens ne se connaissaient quasiment pas, s’étant seulement croisés au marché de Saint-Hilaire, la cérémonie après des « menantises » ou fiançailles de plus de six mois, s’opérant par l’intermédiaire d’un marieur ou entremetteur, à savoir ici un dénommé Jérôme Lepeltier que l’on dédommageait par le don d’un chapeau !

La noce fut menée grand train avec plus de 60 chevaux, le montage d’un « mai », (mât fleuri) un tonnerre de coups de fusils, les chemins d’accès à la paroisse étant semés de fils de laine, et maints tonneaux de « bon bère » mis en perce. Le trousseau ne comprenait pas moins de 100 draps et autant de chemises afin, comme dans toutes les campagnes environnantes, d’assurer seulement deux grandes lessives par an. Le soir, on dansa au son de la clarinette et du violon du sabotier Jamin. Chalandrey à cette époque recensait 170 feux et près de 700 habitants.

On mesure, grâce à l’examen des archives épiscopales, la prospérité  sur un siècle de ces petites paroisses rurales. Le 26 août 1696, l’évêque Daniel Huet, parti de Saint-Hilaire, y avait trouvé 400 communiants, une école menée par un laïc, deux sages-femmes et deux chapelles, celle du cimetière déjà en ruines en 1600 n’existant plus. N’étaient plus opérantes que celle domestique du manoir de Monchouet, dédiée à saint Georges (servie jusqu’en 1709, disparue en 1752) et la plus ancienne, Saint-Marc de Pierrezaubes, qui appartenait aux sieurs des Biards et desservie à raison d’une messe par semaine par le curé de Ducey jusqu’à la Révolution.

En 1749, Mgr Durand de Missy notait 500 communiants, pas de maître ni d’école, la nef à réparer alors qu’on refaisait le clocher. Cette église Saint-Martin avait été réédifiée en 1738, la tour datant de 1748. De cette époque XVI-XVIIe siècle, date aussi le manoir des Ménardières qui était aux Parrein, avec sa fenêtre Renaissance, sa grande cheminée avec écu seigneurial (malheureusement martelé à la Révolution) et, attenant, un bâtiment ancien à double porte ronde.

A noter encore pour cette période, les Abraham du Bois Gobbey, originaires du Haut-Poncel qui furent sieurs de Montgothier, mais aussi à Saint-Hilaire, avocats et conseillers du baillage à Mortain, un de leurs illustres descendants étant l’historien du XIXe siècle Fortuné du Bois-Gobbey.

En 1789, il n’y avait plus qu’un seul noble sur la commune, le chevalier de Tesson, sieur de la Frémondais. Ce fut lui qui, pour la noblesse, représenta la paroisse dans les cahiers de doléances (hélas perdus), tout comme les laboureurs Jean Bihorel et Julien Desloges  représentèrent le Tiers-Etat. Pour le clergé, ce fut le curé Alexandre Abraham Dubois, en poste depuis 1780, aux idées assez avancées, créateur de l’école de filles et qui, curieusement, fut avec son vicaire Jean Prével, un des seuls du doyenné à prêter serment à la Constitution civile du clergé (1791) avant de se rétracter ensuite.

Chalandrey avec ses 10 hectares de terre, son grand presbytère neuf, était une grosse cure car son titulaire ramassait en plus toutes les grosses dîmes. La Révolution bien évidemment balaya tout cela. Venu de Bayeux mais originaire de Saint-Martin-de-Landelles, violent, l’intrus Jean-Baptiste Paumier ne parvint pas à rallier la population à ses thèses. Mort en 1792, remplacé par l’ancien vicaire Prével, ce dernier ne put empêcher l’église d’être dépouillée, transformée en caserne, grenier, cuisine de la troupe.

L’église fut réouverte après le Concordat en 1802 par Philippe de la Roche, originaire de Saint-Aubin-de-Teregatte, qui habitait au Plantis. Eglise et presbytère étaient encore dénués de tout. Ce fut son successeur, Jean Nicolas Levivier (mort en 1832), qui remonta la paroisse, laquelle était entretemps devenue commune rattachée au nouveau canton d’Isigny depuis 1790.

Il y avait, autour de 1838, près de 660 habitants et déjà une institutrice pour les jeunes filles. Les écoles furent alors une des grandes préoccupations des différentes municipalités, se maintenant avec des figures connues d’enseignants laïcs : 1840-1850 M. Fleury à l’école de garçons ; 1860 : M. Delafontaine ; 1873 : M. Hollande et Mlle Gondouin ; 1882 : M. Vigot ; 1890 : M. Normand et Mlle Letouzé ; 1903 : M. Danguy et Mlle Bernard.

Les municipalités à partir de 1900

Les archives municipales ayant en grande partie été détruites lors de l’incendie du 2 août 1944, il n’est pas facile de détailler l’action des municipalités du XXe siècle. Il faut donc pour cela se référer à la presse de l’époque, notamment aux journaux locaux (les archives sont consultables à Saint-Lô ce que nous ne nous sommes pas privés de faire) qui offrent  une assez bonne vue  de ce qui se passait à l’époque.

Ernest Roupnel (1901-1908) est le premier magistrat municipal de la période de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, marquée par les inventaires de 1906. Les habitants se sont opposés très énergiquement à l’entrée dans l’église des agents du gouvernement. La porte de l’édifice était si solidement verrouillée que 2 sapeurs durent l’enfoncer et l'inventaire eut  lieu sans incident.

Louis Vaudoir (1908-1914, adjoint Gloria Victor) évolue dans un climat encore marqué par ces divisions où la population montre néanmoins un soutien sans faute à l’Eglise comme en témoigne le succès de la mission qui a lieu du 10 au 25 décembre 1909.

En 1913 (500 habitants), le rapport annuel à l’Académie de l’instituteur donnait une véritable « radiographie » sociale de la commune. Sur les 718 hectares, seuls 47 étaient incultes, la grosse partie étant prise par le sarrasin  (115 ha) et les autres céréales (220 ha). La plupart des 254 exploitants étaient propriétaires, déjà organisés en secours mutuels, comice agricole du fait d’un important cheptel : 140 chevaux, 200 vaches, 40 bœufs, 230 brebis, 300 porcs. Il y avait, notait scrupuleusement l’enseignant, « autant de vergers que de maisons, donnant un cru pas mauvais sans être renommé, les corvées de battage  étant l’occasion de grandes beuveries ». Le bourg comprenait 32 maisons et 79 habitants.

Les salariés étaient déjà peu nombreux, gagnant pour les hommes autour de 1,50 F par jour (0,75 F pour les servantes), chiffres à rapprocher du coût de la vie de l’époque où un pain valait 0,36 F le kg, le bœuf 0,80 F le kg, une douzaine d’œufs 1,50 F.

La bourgade regorgeait d’artisans : une blanchisseuse, un marchand de bois, un boulanger, deux charpentiers et autant de forgerons, un cordonnier, une couturière et cinq aubergistes. Chaque semaine, les habitants se déplaçaient aux marchés de Ducey (le mardi) et Saint-Hilaire (le mercredi) car Chalandrey ne connut jamais ni foires ni marchés, ni fête patronale à part la Saint-Martin où l’on partait en procession à la chapelle de Pierrezaubes.

Enfin, la gare du Pont d’Oir, à partir de 1880 (inauguration de la ligne Pontaubault-Saint-Hilaire le 16 juin 1889) apporta une certaine animation qui ne se démentit pas jusqu’à la guerre. Les mémoires d’Emile Levallois nous signalent que quotidiennement, des machines à vapeur faisaient la manœuvre pour débarquer de la paille, de l’engrais, du charbon et du bois et embarquer des pommes ; celles-ci arrivaient sur place grâce à des grands « banniaux » que les grosses fermes s’associaient à confectionner car, quand l’année était bonne, cela occasionnait de belles rentrées d’argent.

Durant tout le XIXe siècle, la population se maintint au-dessus de 500 habitants : 660 en 1838, 706 en 1850, 653 en 1863, ne déclinant qu’ensuite (465 en 1903), du fait de l’émigration vers les grandes villes, en particulier Paris.

La Grande Guerre a fait 34 victimes. La commune sous la municipalité de Victor Gloria (1914-1922) a fait ériger un monument en reconnaissance pour ses enfants aux morts au champ d’honneur.

Les maires suivants sont : Louis Normand (1922-1929), Dominique Blandin (1929-1944). L’adjoint au maire est Louis Vaudoir en 1935 et le secrétaire de mairie François Magloire Trochon.

Le 29 mai 1930 a lieu l’inauguration d’une école et de la mairie édifiées au centre du bourg, route de Vezins. C’est cet ensemble, donc relativement neuf, qui sera entièrement détruit lors des combats de la Libération en 1944  (voir par ailleurs). Quatre ans plus tard, eut lieu l’inauguration de la salle paroissiale et la bénédiction de deux magnifiques autels en 1937, œuvres de M. Lebon sculpteur à Avranches et offerts par les habitants de la commune.

La Seconde Guerre mondiale en ses débuts ne perturba la vie rurale qu’en raison des prisonniers retenus loin de la terre natale. Les Allemands, peu nombreux, occupaient l’école ; la population se montrait très méfiante voire hostile, notamment après 1943 où le 30 août, deux habitants de la commune, Auguste Henry et Hélène Abraham furent arrêtés pour avoir hébergé un aviateur dont le bombardier avait été abattu par la DCA au-dessus de Ducey. Faisant partie de la filière de l’instituteur Parisy, infiltrée par les Allemands, ils disparurent à la Libération. Des survivants de cette épopée, Félix Pibouin et Louis Vaudoir, qui la même année avaient effectué le même geste pour un autre aviateur tombé à la Guimondais, furent après la guerre, récompensés par le président Eisenhower en personne.

En juin 44, la population, craignant les bombardements alliés, commença à construire abris et tranchées et à accueillir les premiers réfugiés des bombardements d’Avranches. La commune, dans toute cette période de juin à août 44, derrière son maire Félix Lesénéchal, sut faire preuve d’une grande solidarité. Le pain était boulangé chaque jour par Henri Levallois équitablement pour tous ; il en était de même pour la fourniture de la viande d’après des listes tenant compte de toutes les bouches à nourrir. 

Vous trouverez à la fin de cet article un ensemble de photos sur Chalandrey

CHALANDREY Isigny le Buat

Combats et Libération de Chalandrey

 

Les 30 et 31 juillet 1944, le général Patton libère Avranches. Dans le vacarme de ses blindés, il réalise la fameuse « percée » et traverse une ville en ruines au-dessus de laquelle émergent les clochers des trois églises restés debout.

Après s’être engouffrée dans le goulot de Pontaubault, l’armée US devait ensuite se répandre en Bretagne. A 20 heures le 31 juillet, au bout de la rue de la Constitution, le convoi se divisa en deux : une partie prit la route de Ducey vers les barrages de la Sélune que l’ennemi pouvait à tout moment faire sauter pour inonder toute la basse vallée et perturber le passage ; l’autre partie descendit la côte dite des « M », au milieu de carcasses de véhicules allemands détruits après la bataille du matin, lieudit « le Mont Jarry », soit peu ou prou autour du monastère des Carmélites.

Pendant ce temps, à Saint-Malo, le général Fahrmbacher avait reçu l’ordre de Von Kluge de verrouiller Pontaubault pour arrêter l’hémorragie et de contre-attaquer Avranches, ville stratégique sur son promontoire, qui devait coûte que coûte être reprise par les troupes allemandes.

Fahrmbacher qui avait dû transférer déjà pas mal de troupes dans le Cotentin les jours précédents, ne disposait plus que d’éléments émoussés de la 77è division d’infanterie et de quelques Fallschirmjägers, parachutistes, troupes d’élite qui étaient d’une autre trempe. Embarqués dans des camions, ils emboîtèrent le pas derrière une compagnie de « Sturmgeschutz », soit cinq canons d’assaut, camions et autres véhicules, et au moins une « Schwimmwagen » (genre de petite jeep amphibie).

    En cet après-midi du 31 juillet, ce Kampfgruppe ou groupe de combat Bacherer du nom de l’officier qui le commandait, partit à la rencontre des Américains pour leur fermer les portes de la Bretagne. Mais dès qu’ils arrivèrent en vue de la petite bourgade de Pontaubault, c’était trop tard : les Américains qui avaient progressé par le pont de chemin de fer en partie détruit et installé un nid de mitrailleuses au « V », avaient eu le temps de sécuriser le passage du pont routier ; le groupe de combat Bacherer avec ses canons sous casemate ne put lutter avec les Shermans US et dut se défiler prudemment vers l’Est, c'est à dire Ducey, puis la route des Chéris.

En cette fin de matinée du 1er août 1944, André Vauprés, du haut de l’avenue qui descend vers le château du Logis à Montgothier, vit arriver les premiers soldats américains. Dans la nuit, vers 4 heures du matin, le vacarme des chenilles sur la route de Ducey n’avait échappé à personne, surtout pas aux Américains. L’apercevant, alors qu’il était occupé de bon matin à piler du seigle pour faire la posson dans la grange, un gradé lui dit dans un parfait français (il était d’origine canadienne) : « allez vite vous cacher, ça va péter ». André ne se le  fit pas dire deux fois et alla se terrer dans la cave de sa maison toute proche, en compagnie de Jean-Paul Rouland, le célèbre animateur TV, réfugié en Normandie avec son frère Jacques, adolescents à l’époque. « Dès 6 heures, explique André Vauprés, les Américains arrivaient en force d’Avranches, colonnes d’infanterie, half-tracks, camions GMC, mais pas de chars. Un officier en Jeep vint encore nous dire de ne pas rester là et un officier de haut grade avec des jumelles se fit même guider vers le grenier du château. Toute la route de Ducey, de la gare au carrefour de la Guillotine, grouillait d’Allemands ».

Vers midi, le panzer de tête dont les Américains avaient aperçu depuis quelques temps la progression, se présenta au Pont d’Oir, au croisement de la route Avranches-Isigny et Ducey-Brécey. D’un coup de lance-roquettes, ils endommagèrent une des chenilles du blindé qui marqua un arrêt. Deux membres d’équipage sortirent de l’engin les mains en l’air et furent faits prisonniers…mais le char redémarra, prit la petite route à gauche qui mène au Buat et se retrouva à Pain d’Avaine…où Mme Thomas croyant à l’arrivée des Américains alla à sa rencontre des fleurs à la main ! Par bonheur, le pilote qui avait on s’en doute, d’autres soucis, notamment celui de sauver sa peau, fila droit devant lui et on  retrouvera l'engin abandonné entre Roche-Commun et le château de la famille Foisil ! Les autres chars n’auront pas cette chance : tous les membres d’un blindé seront carbonisés, plusieurs faits prisonniers au terme d’une bataille qui durera deux heures trente

« Les G.I’s, explique André Vauprés, avaient eu le temps de bien préparer leur coup. Ils s’étaient embusqués sous une grosse bâche de foin placée à peu près là où se trouvaient les cuisines des Féériques du logis de Montgothier. Ils avaient tant de munitions qu’il y avait là, après la bataille, un tombereau entier de boîtes de fusées utilisées. Nos chevaux, qui paissaient dans les champs voisins, s’en tirèrent indemnes par miracle, écumants tant ils furent épouvantés par les explosions. Mais il ne faut pas croire que les Allemands se sont laissés faire : les Américains ont perdu 5 semi-chenillés, dont un, celui de la photo, à côté de la maisonnette Bouleau près de la Guillotine. Et dans la nuit du 1er au 2 août, deux fuyards allemands venant d’Avranches ont tué une sentinelle US qui fut d’ailleurs enterrée provisoirement au cimetière de Montgothier. Les deux Allemands n’allèrent pas loin, même si une bonne partie de la troupe alliée était retournée dès le soir vers Pontaubault, leurs corps sont restés un moment au bout du champ de la vieille avenue qui descend de la route d’Avranches vers le château. Les Allemands eurent au bout du compte une vingtaine de prisonniers qui furent parqués dans un champ, près du château. »

Longtemps, on pourra voir leurs carcasses dans les champs le long de la rivière d’Oir et le frère d’André Vauprés, alors curé de Juvigny, prendra les photos de ce moment historique qui illustrent cet article. Lors du démantèlement des blindés, on retrouvera encore les restes de deux soldats allemands qui seront temporairement inhumés dans le cimetière de Chalandrey, avant de rejoindre bien plus tard la nécropole de Huisnes-sur-Mer. La nuit tombe, mais tout n’est pas terminé pour la petite commune de Chalandrey…

 

 

CHALANDREY Isigny le Buat

Le bourg en flammes !

 

Le 2 août 1944, les troupes américaines venant de Marcilly « nettoient » les bois du Plantis où se terre une grosse concentration allemande. Il n’y a pas de combats. Les soldats de la Wehrmacht qui s’abritaient des attaques aériennes tant redoutées se rendent sans opposer de résistance. « Je les revois, nous explique Gérard Doublet, à qui nous devons ces souvenirs fort précis de ces évènements déjà lointains, entassés à l’arrière des camions GMC ou à l’avant des blindés, les mains sur la tête ».

L’armada US traverse le bourg au milieu des flammes…En effet, avant de s’enfuir, deux soldats allemands fanatisés, qui occupaient la maison Doublet, ont programmé la destruction du village. Après avoir disposé dans les maisons, des matières inflammables, à l’aide de plaquettes incendiaires, ils mettent le feu aux écoles, aux maisons Doublet, Jouenne, Rault se situant en bordure de la route qui mène à Vezins.

Dans la maison Doublet où des mines et des munitions sont entreposées, de terribles explosions se produisent : on retrouvera des poutres logées dans les pommiers à des dizaines de mètres à la ronde !

Le convoi des libérateurs doit se frayer un passage entre deux murs de flammes et sa progression est difficile. Les véhicules s’arrêtent au cœur du village. La population montre verbalement son hostilité envers les prisonniers. Les G.I’s reçoivent fleurs, applaudissements, embrassades et distribuent cigarettes, chewing gums que les petits français découvrent pour l’occasion, de même que chocolats, conserves et ces billets de banque à l’imitation du dollar US, mais avec le drapeau français. Les cloches de l’église sonnent à toute volée. Malgré le drame qui se déroule dans le bourg, les gens de Chalandrey goûtent avec bonheur ces moments de délivrance après les quatre années noires de l’Occupation.

Heureusement, les autres maisons vont échapper à la destruction, souvent grâce à de curieux concours de circonstances. Alors qu’il s’apprête à mettre le feu chez Eugène Aubert, un des Allemands est mis en joue par le propriétaire qui avait pu se saisir d’une arme abandonnée…mais non chargée ! L’Allemand qui ne pouvait pas le savoir ne demanda pas son reste, s’échappa à vélo, direction Isigny. C’est donc au père d’Etienne Aubert que l’on doit la survie du reste de la bourgade, mais les maisons du bourg atteintes par les flammes mettront des jours à finir de se consumer. Les habitants concernés, seront d’ailleurs déclarés « sinistrés à 100 % » et la reconstruction relogera ces derniers dans des baraquements en bois.

Deux héros de la Résistance

Hélène Abraham et Auguste Henry vivaient au hameau des Pougeolières. Madeleine François les a bien connus : « des gens bien tranquilles qui élevaient des lapins ». Le cours implacable de la guerre allait en faire des martyrs de la Résistance.

Le 31 mai 1943, ils recueillent l’officier américain Rex Ormes, tombé en parachute de son bombardier atteint par la Flak (DCA allemande) au-dessus de Ducey. L’aviateur souhaite rejoindre l’Angleterre : ils le cachent.

Le 10 juillet, un contact est pris avec le réseau de Marcel Leclerc qui charge André Parisy, instituteur à Céaux, de préparer l’évasion de l’aviateur US. Après lui avoir établi de faux papiers d’identité, le lieutenant, le cou entouré d’une grosse écharpe comme un malade, prend le train le 24 juillet pour Paris, en gare de Pontaubault. Arrivé à la gare du Nord, un résistant le prend en charge. Mais cette filière ayant été infiltrée par un agent de la Gestapo, toutes les personnes qui ont hébergé quelques jours le fugitif sont arrêtées. C’est ainsi donc que les deux patriotes seront arrêtés sans se douter du funeste destin qui les attendait car, déjà entourés des policiers allemands, ils lanceront à leur voisine Mme Lepley accourue aux nouvelles : « prenez soin de nos lapins, nous serons bientôt de retour ».

Hélène Abraham et Auguste Henry moururent en déportation. Une plaque sur le monument aux morts de la petite commune de Chalandrey rappelle leur sacrifice.

Le camp américain

De la colline du Diguet qui surplombe Chalandrey, on découvre un panorama exceptionnel s'ouvrant sur la Baie du Mont-Saint-Michel, Avranches, et même Mortain. En août 1944, l'état-major US choisit cet endroit pour installer une base arrière. Dans les champs entourant la ferme exploitée par Louis Mignon, des tranchées sont creusées, deux puissants canons antiaériens sont mis en batterie, un camp de toile est dressé pour abriter les G.I's avec cuisines et infirmerie. C'est un va-et-vient incessant de véhicules transportant jerricans d'essence, eau potable, rations alimentaires, munitions, conduits le plus souvent par des soldats de couleur, guère employés en première ligne et souvent affectés à l'intendance.

Le commandement installe son QG dans la boulangerie de la ferme ; aujourd'hui, ce four à pain n'existe plus. Gérard Doublet se souvient bien de cette époque : « j'allais presque chaque jour passer la journée à ce qu'on appelait le camp américain où je retrouvais mon copain Louis Mignon fils. Les soldats toléraient la venue des petits français et les gâtaient en bonbons et chocolats. Nos parents apportaient une bouteille de calva et repartaient les bras chargés de victuailles ».

Les Américains sont restés environ trois semaines à Chalandrey. Lorsqu'ils sont partis, ils ont laissé quantité de matériel et des tonnes de munitions. Pendant des jours, les habitants de la commune sont venus aider Louis Mignon à combler les tranchées avec les obus, grenades et munitions de toutes sortes, avant de les recouvrir de terre. Lorsqu'ils travaillaient la terre, Louis et son fils savaient « où il ne fallait pas passer » et, malgré leur prudence, ils mirent souvent à jour un de ces dangereux « souvenirs » !

La guerre fera 5 morts : Henri Pelchat, Armand Plé, Victor François et deux civils déportés Hélène Abraham et Auguste Henry.

 

 

Les municipalités de l’après-guerre

Félix Lesénéchal, (du 20/05/1945 au 9/09/1956), élu en pleine guerre  le 20 mai 1945, un moment remplacé à la Libération par Albert Gloria du 27 janvier au 20 mai 1945, est réélu ensuite jusqu’en 1956.

D'un dévouement désintéressé, d'un dynamisme raisonné et tenace, il entreprit avec son secrétaire de mairie, Pierre Marie, la rénovation et l'embellissement du bourg, la reconstruction du groupe scolaire, de la mairie et des logements d’instituteurs (inaugurés début octobre 1956 par son successeur, Louis Vaudoir), l’ouverture de tous les chemins ruraux, l’échange de territoire avec Vezins, le rattachement du Village du Breuil ancien village des Biards qui, sous son impulsion avisée, devint un des villages de Chalandrey le plus proche de l'église. La commune lui doit aussi la restauration de l’église et l'électrification des cloches. Félix Lesénéchal est décédé le 10/06/1963.

Son successeur, Louis Vaudoir, précédemment adjoint dès 1929 de son beau-père Dominique Blandin, fut maire du 16/09/1956 au 21/03/1971 ; il avait succédé comme conseiller général à son frère Maurice Vaudoir de Vezins, décédé accidentellement le 3 juillet 1963.

Dévoué à la cause de l’agriculture, il était président du comice cantonal. Il remplit la fonction de conseiller général jusqu’en 1967, année où, pour raison de santé, il décida de ne pas se représenter. M. Bernard Pinel, dont on reparle longuement dans la rubrique « Isigny-le-Buat » devait alors être élu plus jeune conseiller général du département.

En 1964, le conseil municipal donnait son autorisation de reconstruction des bâtiments agricoles du legs Jouenne. En décembre 1969, à l’occasion de la visite de M. le sous-préfet, trois serviteurs de la commune furent récompensés par la remise de décorations : Magloire Trochon, ancien prisonnier de guerre, président des A.C.P.G, conseiller municipal depuis 1945 successeur de son père qui fut lui-même conseiller pendant un demi-siècle ; Eugène Aubert, conseiller de 1945 à 1953, secrétaire du syndicat agricole et Pierre Marie, secrétaire de la mairie de 1945 à 1965, président des anciens combattants et secrétaire de l’association cantonale de l’U.N.C. ( Union Nationale des Combattants).

René Aubert fut le dernier maire (du 14 mars 1971 au 4 février 1998) élu avant la création de la commune-canton en 1973. Il était conseiller municipal depuis 1971, et il mit ses compétences agricoles au service de tous pendant 27 ans, ce qui explique sans doute pourquoi Chalandrey fut, en 1972, la première commune du canton à entamer les opérations de remembrement. Il fut aussi délégué au syndicat intercommunal d'électrification de Ducey. Qui ne connaissait pas ce petit bonhomme qui savait mettre en valeur son attelage de six chevaux, notamment dans les spectacles des Féeriques de Montgothier ? René Aubert est décédé le 04/02/1998.

Quelques dates importantes de cette période : 1988, création du club du 3ème âge par Renée François.  Eugène Couillard et Yves Lesénéchal lui succéderont respectivement en 2004 et  2013 ; fermeture de la classe unique en 1988,  la dernière institutrice ayant été Geneviève Dubreuil ; passage du dernier train de marchandises le 24/09/1989 à la gare du Pont d’Oir ; aménagement en 1994 de l’ancienne école en salle polyvalente.

Maurice Lebigot (26/02/1998 - 03/07/1999), successeur de René Aubert, était arrivé en 1978 à Chalandrey ; élu au conseil municipal en 1983, maire délégué  de mars 1998 à 1999, adjoint au maire d’Isigny de 1995 à 2001. Pendant ses mandats, il a lancé avec René Aubert le projet de la salle communale dans les anciennes classes du groupe scolaire et la réhabilitation d’une maison communale du bourg.

Ce fut un pilier de la vie associative du pays, créateur de l’Association des Parents d’Elèves du collège d’Isigny-le-Buat en 1988 (président jusqu’en 1990), initiateur de l’action gérontologique services aux personnes âgées, président de Familles rurales en partenariat avec la M.S.A et de l’association de gestion de la base de loisirs de la Mazure (1996). C’est lui qui mit en place un comité d’animation dont il fut le vice-président, Christian Lemonnier en étant le responsable en 1992. Il lança l’idée d’un grand rassemblement annuel de la population sous forme d’un méchoui très populaire réunissant jusqu’à 600 personnes. Maurice Lebigot est décédé à 54 ans le 12 janvier 2003.

Frédéric Marchetti, maire délégué du 3/07/1999 à 2008, se souvient pour nous de cette époque : « c’est le décès de René Aubert qui m’a amené là, sachant que j’avais déjà été adjoint auparavant de la petite commune beauceronne de Monnerville depuis 1995. Il m’a fallu apprendre le fonctionnement particulier d’une commune-canton et à défendre les intérêts de ma commune au sein de cette structure originale, la seule de France rappelons-le. Les premiers objectifs furent la relance de l’immobilier et la participation à la démocratie locale ».

Un de ses premiers gros dossiers fut celui de la tempête du 26 décembre 1999 qui vit ici 49 maisons endommagées dont 14 très sérieusement et autant de bâtiments annexes comme hangars et boulangeries. Quatre bovins et une jument furent tués, 722 arbres endommagés dont 425 pommiers et surtout le fameux if du cimetière qui faisait plus de 4 mètres de circonférence datant paraît-il de 1515 ! (et qui revivra sous la forme d’une Marianne installée dans la mairie). Les anciens de la commune se rappelaient, eux, d’avoir entendu parler de catastrophes similaires qui avaient eu lieu en 1850 et surtout le 18 août 1881, une trombe de 25 mètres de large et de 4 km de long emportant tout sur son passage à travers les Essarts, les Hauts Beaulinges, la Patitière, Monchouet, la Sagère. Des châtaigniers centenaires avaient été déracinés et projetés à 40 mètres de là !

Frédéric Marchetti fut l’initiateur d’une intéressante démarche de réunions publiques et de commissions consultatives élargies qui permirent à Chalandrey, désormais bien ancrée dans l’action de la commune-canton, de se doter de nombreuses infrastructures : aire de pique-nique, logements communaux, terrain de boules, le tout intégré dès 2003 dans un contrat de pôle (rond-point, mise en sécurité du bourg). Il fut aussi à l’origine en décembre 1999 d’un petit ouvrage « 1000 ans d’histoire de Chalandrey » avec le concours de 5 associations : Comité d’Animation, Association des chasseurs, Association Détente Loisirs, club du 3ème âge et Anciens Combattants.Philippe Plé (mars 2008 à mars 2014) va entrer dans la vie publique comme président du comité d’animation en 2000 et céder sa place à David Gazengel en 2008, année où  il sera élu maire délégué de la commune. Il présidera aussi l’été 2008, sous les auspices du Ducéen Bernard Courteille (vainqueur de l'épreuve en 1958), le renouveau éphémère du Grand Prix cycliste de la gare du Pont d’Oir. 

« Nous venons nous explique Philippe Plé, de terminer l’assainissement collectif. L’agriculture n’est certes plus ce qu’elle était il y a des décennies, mais garde une dizaine de sièges d’exploitation, et nous visons dans un avenir proche, l’extension de la partie Sud-Est du bourg, où tout est constructible. Nous sommes proches de la RD 976  et de l’A 84 et regardons donc avec confiance vers l’avenir ».

 

 

CHALANDREY Isigny le Buat

L'église et la vie religieuse

 

Patronnée par saint Martin le Grand, évangélisateur de l'Ouest de notre pays, l'église de Chalandrey a été reconstruite en 1738 et la tour dix ans plus tard, telle que nous le montre une date gravée au-dessus de la porte ouest de l'édifice ; celui-ci est dominé par le classique toit à bâtière que l'on retrouve dans les communes voisines des Biards et de Vezins par exemple.

Au sud du clocher, on remarque une gargouille qui pourrait bien-être un réemploi de l'église d'origine. De celle-ci, on peut sans doute encore extrapoler que sont issus des vestiges remarquables comme une partie de chapiteau roman visible dans le mur oriental  ainsi qu’un bas-relief en albâtre ou calcaire encastré au sud du chœur, juste au-dessus de la sacristie qui le dérobe partiellement aux regards. Très semblable par son imagerie et sa texture, il représente saint Martin dans son geste habituel qui partage sa tunique avec un pauvre. 

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Le mobilier intérieur de l'église est des plus classiques avec fonts baptismaux à l'entrée à gauche et, surtout dans le chœur, des stalles remarquables avec des accoudoirs sculptés à l'effigie d'animaux sauvages ou légendaires que la tradition dit provenir de la grande Abbaye de Savigny-le-Vieux. Presque totalement détruite au XIXe siècle, on en retrouve des vestiges dans la plupart des paroisses des trois provinces voisines.

 Au fil de l'Histoire, on remarquera que cette église fut totalement dépouillée à la Révolution, ne réouvrant qu'au Concordat de 1802, pour n'être réellement opérationnelle que cinq ans plus tard sous l'action énergique du curé Jean Nicolas Levivier.

Les inventaires de 1906 eurent lieu sans incident malgré la protestation énergique des habitants et, dans la période moderne, il faut retenir :  la grande mission en 1930, la bénédiction d’une cloche le 8/11/1931 par le parrain M. Blandin et la marraine Mlle Normand, la consolidation de la tour en 1936, la bénédiction de deux autels le 6 mai 1937, l'électrification des cloches et la réfection de la charpente du beffroi en 1955, la reprise des murs en 1960, la bénédiction du calvaire du champ de l'Aumône en 1966 détruit par la tempête deux ans plus tôt et l’installation du chauffage central en 1975.

 En 1994, toutes les paroisses locales furent supprimées pour devenir la « paroisse Saint-Martin d'Isigny ».

Un curé rural d'autrefois, l'abbé Lion à Chalandrey

Nommé en décembre 1957 mais arrivé deux mois plus tard en février 1958 à Chalandrey, l'abbé Lion allait y passer presque un quart de siècle. C'était un rural, né en 1901 à la Godefroy dans une famille de onze enfants, profondément chrétienne. C'est dans sa jeunesse à Saint-Quentin, au contact de l'abbé Leforestier, qu'il approfondit sa vocation, couronnée par son ordination en décembre 1929. Vicaire à Saint-Vaast, puis à Barenton (1933), il se vit confier la responsabilité entière d'une paroisse à Moulines en 1936 où il resta cinq ans, évitant pendant la débâcle de se retrouver prisonnier, s'échappant et se cachant avant d'être officiellement démobilisé l'été 1940.

Nommé au printemps suivant à Saint-Brice-de-Landelles, il y effectua seize années d'un ministère fécond, couronné notamment par la construction d'une école privée de deux classes, établissement associé à l’installation de deux religieuses assurant à la fois l'enseignement et les soins aux malades.

Ayant le souci tout particulier des vocations, à Moulines comme à Saint-Brice, il  apporta toute sa sollicitude à plusieurs séminaristes dont la plupart devinrent prêtres. A Chalandrey, de février 1958 à décembre 1981, il se préoccupa tout particulièrement des vitraux et du transfert de la table de granit du maître-autel à l'entrée du chœur où il aimait à célébrer la messe face aux fidèles. Retiré à la maison de repos des prêtres du diocèse de Grimouville, il y décéda le 9 août 1986 dans la  56ème année son sacerdoce. Ses obsèques eurent lieu en présence de Mgr l'évêque entouré de quarante prêtres, à Saint-Quentin où il repose dans l'attente, de sa Résurrection !

 

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Les écoles 

Les écoles de la période moderne, disons après la Grande Guerre, connurent de singulières péripéties. L’ensemble école-mairie, situé route de Vezins, fut inauguré le jeudi 29 mai 1930 mais un conflit ne tarda pas à voir le jour avec l’Académie qui, du fait du nombre important d’élèves (48), demanda l’extension ce qui, en 1935, fut refusé par le conseil municipal. On finit par se mettre d’accord sur la pose d’une cloison et la création d’un second poste d’instituteur quand, patatras, les Allemands mirent le feu au bâtiment avant de se retirer vers Isigny et Saint-Hilaire lors de la Libération du 2 août 1944.

L’après-guerre installa donc tout le monde, élus, enseignants et écoliers dans du provisoire et des baraquements. Le nouveau groupe scolaire-mairie fut la grande œuvre du maire de l’époque, Félix Lesénéchal.

Commencés à l’automne 1955, les travaux s’établirent face à l’église dans un grand verger et sur les vestiges du château que la légende peuplait de souterrains et d’un fabuleux trésor. L’inauguration eut lieu un an plus tard en octobre 1956 (en présence de Louis Vaudoir fraîchement élu), dotant la petite commune, à l’instar de nombre de ses voisines en plein baby-boom de l’après-guerre, d’un grand ensemble avec au premier plan, la mairie ; à côté et au-dessus, trois logements d’instituteurs (Mme Dupleix, M. et Mme Geslard) et à l’arrière, au fond d’une vaste cour, le groupe scolaire proprement dit. L’esthétique du bourg ne pouvait que gagner à accueillir cette construction bien mise en valeur par l’aménagement de trottoirs et la pose de clôtures s’harmonisant avec l’ensemble. Il faut noter que de manière concomitante, on venait de restaurer le monument aux morts, lui conservant sa belle allure à l’ombre de l’if multi-centenaire encore debout et de procéder à l’électrification des cloches. 

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 1931 à genoux de gauche à droite : X, Renée François, X, Aubert, Hélène Tison, X, Thérèse Tison, Maria Rault, Charuel. 2ème rang : René Lebrec, Denise François, Jeanne François, X, Maria Gloria, Marie Desloges, Marthe Marsebiot, Charuel, Yvonne Levesque, Odette Charuel, M. Thérèse et Albertine Charuel, M. Thérèse Rinfert. 3ème rang : Victor Cheval, Victor Gloria, Léon Porée, René Plé, Pibouin,  Mlle Marie Lepesqueux, M. Thérèse Charuel, Victorine Levesque, Fernande Charuel, Marie Gloria. 4ème rang : Paul Bailleul, Raymond Lebrec, Paul Lebrec, 2 frères Rinfert, Emile Caniou, X, M. et M. Vautier, Deguette, Albertine Gloria.

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1948 accroupis de gauche à droite : Alban Levallois, René Lepley, Lisette Grenée, Madeleine Lepley, Bernadette Mignon, Marie-Thérèse Doublet, Serge Doublet, Serge Dallain, Guy Wafelman, Marc Levallois. A genoux de gauche à droite : X, Viviane Dallain, Solange Gazengel, Paulette Cahu, Thérèse Pelchat, Danièle Prédine, Victor Pelchat, Roland Rault, Madeleine Leroy, Jean Aubert, Claude Gazengel. Rang du haut : Aubert, Colette Ronceray, Jean Wafelman, Nicole Lesénéchal, Pierre Gazengel, Henri Gazengel, Denise Cahu, Geneviève Fardin, Odile Normand, Arsène Morel, Mlle Lechevalier institutrice.

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Retrouvailles 25 juin 2008 au 1er rang de gauche à droite : Amand Costentin, Gérard Doublet, Louis Mignon, Pierre Gaillard, Guy Ronceray. 2ème rang : la fille de Mlle Diserbeau, Renée Cheval, Etienne Aubert, Huguette Fardin, Thérèse Dufresne. 3ème rang : Madeleine Jouenne, Marie-Thérèse Aubert, Paulette Leroy, Maria Gazengel, Josiane Lesénéchal, Janine Plé, Elise Rault.

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1980-1981 accroupis de gauche à droite : Laurence Almin, Nathalie Pigeon, Julie Pacilly, Jean-Louis Mignon, Philippe Gazengel, Valérie Leroy, Franck Charuel, Michaël Gazengel, Johnny Lebigot. 2ème rang assis : Florence Charuel, Elodie Lebrec, Lydie Pacilly, Stéphanie Gazengel, Sébastien Lebigot, Stéphane Almin, Jérôme Lebigot, Brigitte Lebrec, Sébastien Gazengel, Patricia Gazengel, Annick Gazengel. 3ème rang : Mme Dubreuil, institutrice, Aline Lebrec, Olivier Serrant, Emmanuel Dubreuil, Hélène Mignon, Thérèse Gazengel, Véronique Aubert, Patrick Serrant, Fabienne Gazengel, Mme Pacilly. Rang du haut : Antoine Hédou, Didier Ganné, Philippe Plé, Patrick Lebrec, Christophe Desfoux, David Pacilly, Sophie Gazengel, Mylène Guesdon, Jacky Lebrec.

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Le bourg de Chalandrey dans les années 50
 d’après Gérard Doublet

En 1950, Chalandrey compte 434 habitants. Dans son bourg animé résonne le bruit des marteaux sur l’enclume, des sabots des chevaux et des cris des charretiers (peu de gens ont une automobile), des rires des écoliers en récréation, de la scierie qui débite des tas de planches, du tintement des cloches de l’église (sonnées à la main trois fois par jour, par la famille Rault) qui rappelle aux habitants éloignés dans les champs qu’il est « l’heure de la soupe » ou, parfois, qu’une âme a quitté ce monde, des « sonnettes » des cyclistes car on se déplace surtout à vélo. L’artisanat, le commerce, l’agriculture font vivre les habitants. Il y a des commis de ferme loués à l’année, des journaliers, des cantonniers, des facteurs et des couturières.

Il y a trois cafés, quatre épiciers, un boulanger, deux charrons, un boucher, un mécanicien-électricien, un marchand de tissus, un maréchal-ferrant, un charpentier-scieur, un sabotier (qui coupe aussi les cheveux le samedi soir).

Le café est toujours associé à un autre commerce. Au centre du bourg, celui de Mme Béchet, qui avec sa fille Blanche, tient aussi épicerie ; toutes les deux, très bonnes couturières également, confectionnent pour les dames de belles toilettes pour les cérémonies. On y vient chercher le journal « Ouest-France » et « la Gazette ». Chaque matin, le chien de Victor Dallain se présente et rapporte le journal entre ses dents à son maître !

Henri Levallois est le boulanger et tient aussi un café. Toujours en « maillot de corps », il fait jusqu’à six fournées de pain chaque jour, des pains allant jusqu’à douze livres, que  les gamins ont des difficultés à ramener à la maison. Avec son épouse, ils livrent le pain jusqu’aux confins de la commune.

Le troisième café est celui de Mme Bailleul qui est aussi épicière.

Dans ces cafés, mangent le midi, les enfants Gazengel, Waffelman et Fardin dont les maisons sont trop éloignées de l’école.

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Le dimanche après la messe, la presque totalité des hommes ayant assisté à l’office se retrouve au café pour discuter. Et l’on se doit d’entrer dans les trois cafés !

Auguste Aubert et son fils Roger sont charrons. De leur atelier sortent charrettes, tombereaux, vachères que Mme Aubert peint toujours en bleu. Il faut les voir cercler les roues de bois au bord du lavoir communal ! Un spectacle que ne manquent jamais petits et grands. Ils recerclent aussi les tonneaux car dans chaque maison, on boit du cidre. Ils ont aussi la pénible tâche de fabriquer les cercueils : la mort fait partie de la vie ! (on veille les morts à leur domicile et on se souvient que l’on a porté untel en terre). Albert François est l’autre charron au Pont d’Oir.

Hubert Hamon est boucher. Il s’est installé dans une aile de la maison appartenant à Victor Jouenne. Il a son abattoir à la sortie du bourg. Il est passionné de football et fait l’arbitre à l’occasion. Son épouse Denise tiendra une épicerie-café à la fermeture de la boucherie jusqu’en 1991.

René Lepley est mécanicien-électricien. Il excelle dans la mécanique, vend des vélos de la marque « Griffon ». Très nerveux, il ne supporte pas la contradiction ! Sur la façade de son atelier, il a peint sa devise « bien faire et laisser dire ». Comme il a l’habitude de trouver un sobriquet aux gens, on l’appelle « la mise au poil » sans doute parce qu’il est d’une précision suisse pour régler les moteurs !

Victor Dallain, alias « Ariès » (surnommé ainsi par René Lepley de la marque des bleus de travail qu’il vend) est marchand de tissus et de vêtements ; c’est un exemple de réussite. Il fait des tournées en campagne avec son camion.

Pierre Coulon est le maréchal-ferrant ; il est nouveau venu dans la commune. Tous ont aidé à la construction de sa maréchalerie à la sortie du bourg en direction d’Isigny.

François Leroy est sabotier. C’est la belle époque du sabot ! Il en fabrique tellement qu’il emploie un ouvrier à l’année. Les sabots multicolores des écoliers sont bien alignés dans le couloir de l’école. Tout Chalandrey marche en sabots ! Le sabotier est aussi coiffeur le samedi soir et les veilles de fêtes. A l’époque du Tour de France, il quitte son atelier pour écouter l’arrivée de l’étape commentée par Georges Briquet. Mme Leroy tient aussi épicerie-tabac. Elle vend aussi des plaques pour les vélos ainsi que des cartes de pêche.

Le père Béchet et son fils Eugène sont charpentiers-couvreurs. Vers leur scierie convergent les « diables » tirés par deux ou trois chevaux et auxquels sont amarrées de grosses billes de bois qui seront débitées en poutres ou en planches selon les demandes.

Constant Fourré et son épouse tiennent une épicerie près de l’église et aussi la cabine téléphonique. Ce sont des « gens d’église » qui apprennent aux enfants de chœur à répondre la messe en latin. Mme Fourré et sa sœur Virginie Autun communient chaque matin. Le couple a eu une voiture à la belle époque et aime à rappeler qu’« ils faisaient bien du trente à l’heure ! »

Parfois, un pauvre hère s’arrête dans le bourg et aussitôt une nuée de gosses l’entoure. C’est Duval, le couvreur en chaume ; il est simple d’esprit et raconte qu’il invente des machines volantes. Les enfants l’écoutent émerveillés. Dans la campagne, il refait toutes les toitures en paille et c’est un orfèvre en la matière.

En 1950, l’école se tient toujours dans les baraquements à l’emplacement de l’ancienne, détruite à la libération. Il y a deux classes : celle des petits avec Mlle Lechevalier ; Mlle Diserbeau est l’institutrice des grands, des certificats d’étude et de l’examen d’entrée en 6ème quand elle juge un élève capable de continuer ses études.

Puis la mairie jouxte l’école à l’extrémité des baraquements. Le secrétaire de la mairie est M. Marie, un ancien gendarme, dont tout le monde admire l’écriture. Il assure aussi le secrétariat de Vezins.

Félix Lesénéchal est un maire apprécié de tous ; c’est un homme de contact, à la belle prestance, toujours la main droite dans sa poche, le buste relevé, le verbe haut. On l’appelle familièrement « Félix Potin » ! Il a l’esprit d’entreprise et a investi dans le matériel agricole. Avec son « grand travail » (la batteuse), il va de ferme en ferme battre le grain. Chaque jour, pendant le temps des battages, les agriculteurs, la fourche sur l’épaule, s’en vont à la « corvée de mécanique » dans une des fermes du village.

Dans une exploitation modeste en une demi-journée tout est battu ; à la ferme de La Cour, cela dure deux jours. Il faut jeter les gerbes sur la tablette, botteler la paille et la tasser en barge, monter à dos d’homme les lourds sacs de grain au grenier. Les « verseurs » de cidre (les enfants souvent) ne chôment pas ! et les repas qui suivent sont souvent très animés. Dans chaque place, on mange presque toujours de l’oie cuite dans le four de la ferme, avec des pommes de terre. Délicieux ! mais à la longue, on en a un peu marre de la pirote (c’est ainsi qu’on appelle l’oie dans le Sud Manche) ! On se lance des défis ! Un grand costaud qui habite aux confins de la commune fait le pari de ramener chez lui, sur son dos, un sac de blé sans le poser par terre ! A lui le sac s’il réussit ! et tous de lui emboîter le pas !

 

Le curé est l’abbé Cyrille Confiant. Il officie aussi à Vezins, (un dimanche, la petite messe dans une des communes et l’autre dimanche la grande). C’est un homme tyrannique qui apostrophe ses ouailles le dimanche en chaire ! Le mardi, il y a catéchisme à midi à la sortie de l’école. Il faut savoir ses litanies, sans dévier d’un seul mot, sinon gare ! Les gens voient alors passer la cohorte des punis se dirigeant vers le presbytère en disant « Tiens en voilà qui vont encore garder les poules au curé » ! et, agenouillés le long du mur pendant que Cyrille déjeune de bon appétit, ils relisent leur leçon. Ils sont alors libérés pour retourner à l’école à 14 h . Et comme l’instruction religieuse est aussi très importante pour les parents, on ne les plaint pas à la maison !

Le facteur est une figure très importante et toujours attendue. C’est le messager qui apporte la lettre porteuse de nouvelles. Très peu de gens possèdent le téléphone : on s’écrit ! Il apporte le journal, les colis, paie les mandats, fait une petite course en passant au chef -lieu de canton. Par tous les temps, à vélo, par des chemins « mal aisés », il assure sa tournée,  il a baptisé le village de la Mauditière, la « Maudite boue ». Les jours de neige, il fait sa tournée à pied, enveloppé dans sa pèlerine ; il y a toujours une place à table pour le facteur lorsqu’il se présente à l’heure du repas. C’est aussi l’occasion d’apprendre à travers lui « ce qui se passe » dans le pays !

Le facteur est Bernard Gautier ; il habite Pain d’Avaine ; il a fière allure dans son uniforme bleu à liséré rouge, coiffé de son képi marqué des lettres PTT. L’été, il porte la tenue « coloniale » kaki et est coiffé d’un superbe canotier à la cocarde tricolore. Lorsqu’il est en congé, il est remplacé par Marcel Dodeman de Montgothier. Toujours affable, de bonne humeur, il est intérimaire et ne porte pas la tenue.

Comme rien n’est jamais parfait dans le meilleur des villages, l’harmonie en ces années 50 est troublée par un « corbeau ». Ce dernier qui signe ses lettres par un « j’en rigole et la joyeuse » essaie de dresser les personnes plus ou moins influentes les unes contre les autres ; c’est un membre de la municipalité. Trahi par une phrase qu’il employait très souvent dans ses conversations, il sera démasqué en pleine séance de conseil municipal, jugé et condamné à une amende, laquelle servira à améliorer un bâtiment communal.

PHOTOS CHALANDREY

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